(Brêve présentation de N. CATHELINE : pédopsychiatre qui a été chargée par Luc CHATEL de rédiger le guide « Le harcèlement entre élèves, le reconnaître, le prévenir, le traiter », en collaboration avec Eric Debarbieux.)

1/ La notion de HARCELEMENT :

La France a mis du temps à prendre en compte l'existence du harcèlement. Beaucoup pensaient que certains actes tels que les bousculades, les moqueries... faisaient partie du monde des "jeunes". La prise en compte de ce phénomène a pris du retard par rapport aux pays anglo saxons qui eux avaient établi une définition du harcèlement dans les années 70 et ce, à la suite d'une étude qui avait pour point de départ les raisons du suicide chez les jeunes. Afin de faire la différence entre simples moqueries et harcèlement, DAN  OLWEUS (le premier qui a élaboré le concept du harcèlement scolaire) explique , qu'avant de conclure au harcèlement, il faut vérifier la présence de 3 critères :

- intentionnalité agressive

- volonté d'induire une relation dominant-dominé : par exemple, lors d'une bagarre classique, il y a une colère de l'un envers l'autre mais pas forcément une volonté de le dominer surtout sur du long terme.

- situation qui se répète régulièrement : ce qui est complexe, c'est que cela peut ne pas se répéter tous les jours, qu'il peut y avoir des périodes de rémission d'où la difficulté tant pour les enfants que pour les adultes, de reconnaître une situation de harcèlement.

De plus, c'est souvent d'anciens camarades qui harcèlent. Ce qui complique fortement le "diagnostic" de harcèlement pour les adultes qui ont l'impression que finalement, les moqueries restent "anodines".

2/ Avancées permises par le travail de Nicole CATHELINE : 

La définition de DAN OLWEUS du harcèlement était construite sur une relation binaire : harceleur-harcelé. Or  Nicole CATHELINE mit en lumière la présence d'un troisième élément : LES SPECTATEURS. Leur prise en compte est essentielle puisque c'est leur présence qui va valider la situation de harcèlement.

On trouve différents portraits de "spectateurs" :

- ceux qui préfèrent que ce soit un autre qui se fasse attaquer plutôt qu'eux : Donc se satisfont de ce qu'ils voient puisque pendant ce temps, ils se sentent protégés.  

- ceux qui observent à moindre frais : ces bagarres les excitent car ont le désir d'être eux-mêmes le harceleur mais ne s'en sentent pas capables.

- ceux qui se demandent ce qu'il se passe sans réagir.

Le problème, c'est que les spectateurs sont toujours passifs et beaucoup de temps passe avant que le fait ne soit révélé à un adulte.

Deux situations qui font reculer ceux qui voudraient divulguer le harcèlement :

==) l'adulte peut me reprocher de ne pas être venu le prévenir plutôt

==) si je "rapporte" , à mon tour, je risque de devenir une victime. Après tout, ce ne sont pas mes affaires ("je ne suis pas une balance". )

- Impact de cette acceptation silencieuse devant un fait de harcèlement :

La victime va être amenée à penser que :

- les spectateurs, s'ils ne disent rien, c'est qu'ils valident ce qu'il se passe, si cela était vraiment injuste, ils réagiraient. DONC je mérite ce qui m'arrive. Le harcelé va donc s'enfermer dans un rôle de victime qui va exciter le harceleur.

Le harceleur va être amené à penser que :

-les spectateurs, puisqu'ils ne réagissent pas à mon agression d'un autre élève, légitimisent mon action.

Il faut savoir que la plupart des harcèlements sont découverts entre 3 et 6 mois, c'est le minimum... Que si aucun adulte ne brise cette dynamique négative, le harcèlement ne s'arrêtera pas tout seul. Par ailleurs, le harcèlement a des conséquences à vie. (Petite Parenthèse : Eric DEBARDIEUX en parle dans une conférence sur la violence, stipulant qu'un harcelé a beaucoup de risque d'être maltraité dans sa vie d'adulte par son ou sa conjoint(e) et inversement, le harceleur a beaucoup de risque de devenir maltraitant pour son/sa conjoint(e).)

Lien vers un film qu'elle conseille : http://www.youtube.com/v/sdmH9mJxkm8&fs=1&source=uds&autoplay=1

3/ Contexte propice au harcélèment :

- groupe d'enfants/d'adultes laissés en auto-organisation ==) chacun va chercher une place et se l'auto-attribuer (les rôles se distribuent de fait). Cela est encore plus vrai chez les enfants, car sont en pleine construction de leur identité et donc sont très vulnérables. Ex. A relire : Sa Majesté des Mouches de Golding ( vous trouverez un résumé de ce livre dans la rubrique "fiche de lecture").

4/ LIeux propices au harcèlement :

Tous les lieux où les adultes ne vont pas, où les élèves peuvent se soustraire au regard de l'adulte :

- les toilettes (lieu de prédilection du harcèlement)

- les réseaux sociaux

- le bus scolaire

- les couloirs car espace de transit sans réelle surveillance adulte

- les recoins de la cours

- les abords de l'école

5/ Qui peut être visé par le harcèlement ?

Les élèves porteurs d'une différence relative : élève arrivé en cours d'année, élève bon dans une classe difficile...

Les élèves porteurs d'une différence absolue : garçon très petit, fille très grande, bégaiement...

6/ Conclusion :

Il faut avoir à l'esprit que le harceleur et le harcelé sont tous deux victimes d'une même vulnérabilité. Et que la différence entre eux, sera la réponse qu'ils vont utiliser pour combattre cette vulnérabilité.

Pour l'un , la victime, ce sera : je me cache.

Pour l'autre, le harceleur , ce sera une méthode vindicative : j'attaque avant d'être attaqué.

Et le comble parfois, c'est que ce sont d'anciennes victimes de harcèlement, qui deviennent des harceleurs.